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 Textes 1 à 10

 

 

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 Page 3 (textes 21 à 30)

 

 

 Ne pas déduire...

 Pour qui ? Pourquoi ?

 Et donc, pour qui?

 Convictions trop fortes?

 Convictions communes

"Dieu"

"Tout se passe comme si"

 Descente et remontée, ou
 révélation progressive?

 L'homme est une fourmi...

 L'au-delà, présent

Ne pas déduire...

Heureux celui qui sait que les mots ne sont que des approximations.

Mais malheureux celui qui met sa foi dans des formules ou des phrases toutes faites, et en déduit le reste de son attitude.

 

Malheureux celui qui croit qu'un événement spirituel ou affectif particulier constitue le point d'appui sur lequel bâtir sa vie.

Heureux celui qui sait que toute expérience spirituelle ou affective n'est qu'une étape, et qu'il aura d'autres expériences spirituelles tout au long de l'existence; qui sait prendre du recul par rapport à elles.

 

Heureux celui qui sait que les paroles du Christ et les réflexions des premiers chrétiens, transmises par la Bible, sont esprit.

 

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Pour qui ? Pourquoi ?

Commençons par le pourquoi.

Chrétien, je constate souvent une grande distance entre ce que les églises disent, et font, et ce que pour ma part je comprends comme étant le message essentiel du christianisme, à savoir l'amour et l'au-delà.

 

Banal apparemment. Mais si j'ajoute que mes idées sur l'au-delà sont assez éloignées de celles de beaucoup de chrétiens, le résultat final diffère assez sensiblement des versions traditionnelles du christianisme.

 

En outre je suis "d'abord un homme", et, ajouterai-je, un scientifique. C'est à dire que je perçois le "fait Jésus" et le "fait christianisme" comme des éléments qui complètent et éclairent différemment ce que je comprends par ailleurs du monde, mais qui ne le remplacent pas.

 

Réaliste jusqu'aux plus extrêmes conséquences, j'admets, puisque je crois que Jésus est vraiment témoin d'un "au-delà", que cet au-delà est sans cesse présent et agissant, autour de moi et en moi. Il est pour moi aussi réel, plus réel presque, que le réel que je vois.

 

Mais je ne prends pas, pour en parler ou y penser, un ton compassé, des airs respectueux et voulant marquer le sacré...

 

Marcel Gauchet a dit que le christianisme était la religion de la sortie de la religion.

Je pense de même qu'il est temps de sortir le christianisme du sacré, concept que Jésus n'a guère utilisé, et de parler de l'au-delà des chrétiens un peu comme les scientifiques parlent des domaines qu'ils apprennent à connaître.

 

Cela change beaucoup de choses dans la façon d'énoncer le christianisme; mais en même temps cela ne change rien sur l'essentiel: la relation d'amour.

 

2  

Et donc, pour qui?

N'ayant ni la capacité ni l'ambition, dans ces pages, de refaire une présentation complète du christianisme, et n'ayant pas non plus l'intention de fonder une nouvelle sorte de christianisme (il y en a déjà bien assez, "pour tous les goûts" pourrait-on dire), c'est à mes frères chrétiens que je m'adresserai principalement.

 

Les non chrétiens pourront certainement trouver dans ces lignes matière à réflexion; mais je ne chercherai pas ici à leur expliquer ce qui peut-être est moins évident pour eux.

 

Certains chrétiens pourront être choqués par la liberté de ton qui sera parfois la mienne. Leur conception de Dieu et de la religion les amène à parler avec componction de ce qui la concerne. Je ne doute pas que cela corresponde, à certains moments, aux besoins de certaines psychologies.

 

Mais c'est de l'air frais que j'aimerais faire entrer ici.

 

J'aimerais, avec Jean Sulivan et bien d'autres, que nous ayons une religion d'allégresse, de liberté, où l'amour soit le premier et le dernier mot.

 

3  

Convictions trop fortes?

Beaucoup de chrétiens ont des convictions très arrêtées, qui les amènent à considérer que la façon dont leur église ou leur groupe croit et pratique est la seule bonne façon de croire et de pratiquer. Et ils y associent des obligations: faire ceci et non cela, célébrer comme ceci, etc.

 

La légitimité d'une diversité de points de vue n'est guère admise par eux.

 

L'hypothèse implicite de ces chrétiens, de ces églises, est qu'ils savent exactement comment Dieu souhaite que l'on croie et que l'on pratique; et qu'il faut célébrer le culte et agir de telle et telle façon précise pour le satisfaire.

 

Ceci ne s'applique pas qu'aux catholiques et aux orthodoxes; les protestants ont le plus souvent des attitudes analogues vis à vis de la Bible. Et chez certains évangéliques le refus du point de vue catholique va jusqu'à affirmer que "l'Eglise catholique c'est Satan".

 

Ces convictions absolues me semblent manifester l'oubli de la primauté de l'amour, et une absence de recul critique.

 

Primauté de l'amour: il faudrait surtout voir ce qu'il y a de vrai et d'aimable dans ce que dit et fait l'autre, et donner la priorité à un authentique amour fraternel, humble, non condescendant, sur les convictions que l'on a et sur les façons dont on estime qu'il faut rendre un culte à Dieu.

 

Absence de recul critique: d'une part l'examen du passé devrait nous enseigner combien notre propre point de vue et celui de notre groupe religieux peut changer; et d'autre part une réflexion sur la nature de l'univers, et sur des problèmes tel que celui du mal, devrait nous montrer que nous savons au total peu de choses sur qui est Dieu et ce qu'il attend de nous.

 

4  

Convictions communes

Les chrétiens ont en commun de croire que Jésus est le témoin privilégié de l'au-delà. Par sa vie et sa mort il a montré ce qu'est l'amour véritable, et nous a donné la possibilité de vivre peu à peu dans l'amour.

 

Nous croyons qu'il est ressuscité, et qu'il est vivant et présent auprès de nous par son esprit.

 

Nous croyons que si nous acceptons d'entrer dans sa vie d'amour nous vivrons après la mort plus près de lui.

 

 

Ce sont là me semble-t-il les convictions chrétiennes "minimum". On verra pourquoi je choisis cette approche.

 

Beaucoup de chrétiens jugeront cette "déclaration de foi" bien insuffisante.

Elle essaie de se concentrer sur l'essentiel, sur ce dont nous sommes tous absolument convaincus.

 

5  

"Dieu"

 

On l'aura remarqué, le bref énoncé de foi proposé ci-dessus n'emploie pas le mot "Dieu"...

 

C'est que ce mot, ce concept, ont peut-être vieilli...

 

Le caractère réel de la "présence de Dieu" auprès de nous, et son rôle dans l'histoire du monde et dans notre vie après la mort, sont des convictions de tout chrétien et donc j'aurais pu les mentionner plus en détail dans le résumé ci-dessus.

 

 

Cela dit il est peut-être envisageable de s'interroger sur la ou les réalités qui constituent effectivement l'au delà: de se demander en somme s'il est permis de se représenter ces réalités différemment.

 

 

Jésus nous a parlé de son "Père", qui est notre père des cieux et qui veille sur nous. Les hommes de tous les temps ont pris l'habitude de désigner par "Dieu" cet être supérieur.

 

Nous entrons en fait ici dans l'inconnu...

 

Avec l'ensemble des chrétiens, je suis convaincu qu'il existe une puissance supérieure invisible, que nous avons vu s'exprimer en Jésus.

 

Mais l'appellation "Dieu", associée parfois à des mots comme "tout puissant", peut poser problème.

 

André Gounelle, dans son livre "Parler de Dieu" (Van Dieren, Paris 2004) évoque notamment ce qu'il appelle "l'impossible toute puissance" de Dieu.

 

Il écrit également: "Tous les discours sur Dieu sont des essais pour le dire (..), ils n'énoncent pas des vérités définitives. Ils sont modifiables et améliorables. Ils ont un statut analogue à celui de l'hypothèse en science qui ne rend compte que partiellement de la réalité et a une validité limitée".

 

Ce qu'André Gounelle dit du discours sur Dieu vaut aussi, dans une certaine mesure, du mot "Dieu" lui même: le chrétien ne peut se passer de l'utiliser; mais sans oublier que la ou les réalités de l'au-delà nous demeurent inconnues.

 

6  

"Tout se passe comme si"

 

La similitude entre foi et science évoquée par André Gounelle mérite réflexion.

Ce qui fonde notre foi chrétienne, ce sont des convictions basées sur des faits.

Ces faits sont notamment l'existence de Jésus et son témoignage d'amour, ainsi que l'expérience que nous avons faite du changement introduit dans nos vies par le choix de suivre Jésus.

Le "fait chrétien", c'est le témoignage des chrétiens depuis le premier siècle: à la fois de ceux qui ont connu Jésus et l'ont vu ressuscité, et de ceux à cause de qui d'autres chrétiens ont personnellement cru en la parole de Jésus et à la vie qu'il nous révèle.

Le "fait chrétien" complète le "fait Jésus"; et les chrétiens réfléchissent sur l'un comme sur l'autre.

 

Le scientifique, à partir de faits ou d'expériences, réfléchit et fait des hypothèses; il essaie de rendre compte de l'ensemble des faits par une théorie; il crée des concepts, des mots, et essaie "d'expliquer" ainsi ce qu'il constate.

C'est vrai aussi de tout homme dans sa vie quotidienne.

Le chrétien n'est pas dans une position différente.

Il n'est pas absurde de tenter, à notre époque, une approche théologique où l'on parte des faits, et où l'on cherche quelles hypothèses sont compatibles avec ces faits.

"Tout se passe-t-il" comme si Dieu existait? Ou bien au contraire la complexité de l'univers, et des questions comme le problème du mal notamment, amènent-elles à mettre en question les idées simples que l'on pouvait avoir à ce sujet?

Sans que cela remette en cause la réalité de l'amour et de la vie dans l'esprit que nous expérimentons.

 

7  

L'histoire de l'humanité: descente et remontée, ou révélation progressive de l'amour?

 

A l'époque de la rédaction de la Bible, mais c'est apparemment encore le cas maintenant pour un certain nombre de chrétiens, l'existence passée du paradis terrestre apparaissait, sinon comme une réalité incontestable, en tout cas comme un fondement majeur de la réflexion chrétienne.

On voyait semble-il la situation présente des hommes comme résultant d'une sorte de dégradation par rapport à un état initial ou antérieur dans lequel les relations de l'homme avec Dieu étaient harmonieuses.

Dans l'histoire d'Israël, les prophètes avaient toujours associé fidélité d'Israël et salut, et avaient annoncé un messie qui viendrait en quelque sorte restaurer Israël et mettre un terme aux errances antérieures.

Saint Paul insiste à de nombreuses reprises sur cette question, et écrit par exemple: "Dieu vous a pardonné par Jésus-Christ" (Ephésiens 4,32).

La notion du "pardon" et celle du "salut" sont étroitement mêlées dans l'esprit des chrétiens.

 

Jésus ne parle pas me semble-t-il de pardon collectif. Il propose le pardon des péchés, mais c'est individuel. L'expression "rémission des péchés" (Matthieu 26,28) ne s'interprète pas forcément en termes de pardon collectif d'une faute collective.

Que nous soyons tous pécheurs, cela ne fait pas de doute, et Jésus veut nous donner le moyen d'en sortir.

 

Mais le point en discussion ici c'est de savoir si vraiment Jésus "nous réconcilie" avec Dieu, par rapport à une faute passée qu'il faudrait que Dieu nous pardonne, comme le disent les épîtres de Paul et la liturgie.

Ou si en réalité ce qu'apporte Jésus c'est la possibilité d'aller vers Dieu, sans qu'une faute originelle ou une chute collective ait fait suite à un état initial d'harmonie avec Dieu.

Car une autre façon de voir la révélation judéo-chrétienne est celle d'une montée progressive: d'abord une révélation au peuple d'Israël, affinée peu à peu au long des siècles, puis une révélation beaucoup plus forte en Jésus-Christ.

Dans cette révélation, il est bien sûr question de l'état pécheur de l'humanité; mais il est surtout question de la relation à Dieu.

 

L'église catholique actuelle est parcourue de deux courants, qui passent plus ou moins au sein de chacun: d'un côté les prêtres récitent, à la messe, des phrases du genre "Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de toi"; mais des théologiens écrivent par exemple dans l'encyclopédie "Théo":

"Pendant longtemps on a lu la Genèse comme l'histoire de la faute d'un couple initial transmettant les conséquences de leurs actes au monde entier. Il n'est pas sûr que cette lecture soit exacte (..) Adam et Eve sont le symbole du commencement de chaque homme et de chaque femme. L'important, aux yeux des chrétiens, est que le Christ donne à chacun une possibilité effective de sortir du péché" (Edition 1992 page 712).

Compte tenu de ce que la science nous permet d'imaginer des origines de l'humanité, il paraît hautement improbable qu'Adam et Eve aient existé d'une quelconque façon.

Il parait également invraisemblable que des êtres d'une période très ancienne aient pu être "protégés du péché", compte tenu de l'idée que l'on peut maintenant avoir de ce que c'est que le péché; c'est à dire aient été habités d'un amour parfait!

Il faut le rappeler, l'intention des auteurs de la Genèse n'était absolument pas de décrire de façon historique les premiers temps de l'humanité, mais d'expliquer, sous forme d'un mythe, la situation de l'homme face à Dieu.

 

La question qui me paraît se poser est: pourquoi l'église actuelle, et les prêtres, s'accrochent-ils à cette histoire de chute initiale, dont il faut certes garder le fond (la situation actuelle de l'homme face à Dieu), mais pas la cause historique.

Dire clairement qu'il n'y a pas eu de chute initiale, et que l'histoire de la révélation est celle d'une montée vers Dieu, en quoi est-ce difficile?

 

Ce qui est frappant, c'est que même parmi ceux qui reconnaissent que le texte biblique est mythique (au bon sens du terme), un bon nombre continuent à enseigner, par ailleurs, que l'homme a chuté et s'est éloigné de Dieu!

Il y aurait trop de conséquences à en tirer! Le canon de la messe, et surtout un certain nombre de textes de Saint Paul (auteur que j'aime par ailleurs énormément) seraient remis en cause.

Il apparaîtrait... que le Nouveau Testament, comme l'ancien, est daté: que la distance que l'on est amenée à prendre par rapport à certains textes de l'Ancien Testament, en expliquant qu'ils correspondent à une idée de Dieu encore peu évoluée, doit s'appliquer aussi au Nouveau Testament: les auteurs avaient une mentalité, des préjugés, etc. qui n'ont plus de sens pour nous.

On le fait pour l'Ancien Testament, bien qu'il contienne la parole de Dieu. Il serait grand temps de le faire aussi pour le nouveau.

Mais une bonne partie de la liturgie serait remise en cause, si l'on voulait s'exprimer d'une façon qui élimine des concepts dépassés tels que celui de chute initiale et de pardon accordé à l'humanité.

Ce qui retient ces prêtres, ce sont probablement des peurs: peurs pour eux-mêmes, peurs pour l'église.

Pour eux-mêmes: peur d'abandonner ce à quoi ils tiennent, de s'apercevoir qu'ils s'accrochaient à des façons de raisonner fausses; et aussi pour l'avenir, peur de l'inconnu: où va-t-on, quelle théologie peut remplacer celle qui est ainsi déstabilisée.

Peurs pour l'Eglise, que cela la détruise plus ou moins, que cela remette en cause toute son autorité et sa tradition.

J'y vois surtout un manque de confiance dans le Seigneur: si c'est Lui qui est présent et qui nous conduit, laissons nous aller entre ses mains, acceptons la vérité.

 

8 -  Voir commentaires  

L'homme est une fourmi...

 

"Dieu" est un mot forgé par les hommes pour parler de ce qu'ils perçoivent et conçoivent des réalités spirituelles supérieures. Mais nous ne savons pas vraiment ce qu'il en est "au delà": cela nous dépasse.

 

Les hommes ne perçoivent que certains aspects, certaines lois de l'univers, certaines dimensions de celui-ci. C'est vrai des phénomènes que les sciences physiques étudient: chaque fois qu'un nouveau phénomène est découvert, certains scientifiques réagissent comme à reculons, et ne veulent pas l'accepter, parce que les lois admises antérieurement ne le permettent pas! C'est vrai, encore plus, des sciences humaines: un savoir conséquent s'y rassemble, mais la relation entre les humains est le domaine du complexe, du toujours différent. Nous avons encore énormément à y découvrir.

 

L'homme dans l'univers est un peu comme une fourmi dans un caniveau, qui jugerait du monde d'après ce qu'elle peut en percevoir. Qu'est-ce qu'une fourmi peut comprendre d'une automobile, et, plus encore, de la réflexion éthique ou philosophique de l'homme?

Il en va de même pour nous: les réalités de l'univers nous dépassent complètement; nous en percevons certains aspects et croyons avoir compris beaucoup de choses! Chaque époque a eu cette tendance!

Certes, nous pouvons agir d'après ce que nous percevons. Mais l'univers comprend peut-être l'équivalent de cinquante "dimensions", et un nombre incalculable de "lois" incompréhensibles par nous, régissant son fonctionnement. Il est bon de garder raison.

 

Et "Dieu", là dedans?

Beaucoup d'hommes ont eu, et ont, le sentiment, la conviction intérieure basée sur une expérience ou un itinéraire personnels, qu'il existe une ou des réalités spirituelles en dehors de l'homme; supérieures à l'homme.

Ce réel supérieur, l'homme le personnifie souvent, et l'appelle Dieu. Et cela correspond peut-être à une structure psychologique profonde: à la nature de l'homme en somme.

C'est notamment en Jésus-Christ, et donc dans le christianisme, que cette relation personnelle à une réalité spirituelle supérieure a atteint un sommet: Dieu étant un père aimant, un guide, et Jésus un modèle qui nous montre le chemin et nous permet de le suivre.

Si l'on reprend la comparaison de la fourmi ci-dessus, on voit bien que les réalités spirituelles supérieures sont peut-être infiniment plus complexes qu'il n'est possible à l'homme de le comprendre.

Jésus, et toute autre révélation ou compréhension par les hommes de réalités supérieures, s'exprime dans le vocabulaire que nous pouvons comprendre; cela nous donne des images, des idées, à notre mesure, à notre portée, de choses qui nous dépassent peut-être infiniment.

 

La notion de "Dieu personnel" a-t-elle un sens? Nous ne sommes, compte tenu de ce qui vient d'être dit, pas en mesure d'en juger! Elle a un sens pour notre psychologie, et est une approche de l'au-delà. Mais il faut être conscient qu'elle n'épuise peut-être pas celui-ci.

 

Cela dit il convient de tenir les deux bouts:

D'un côté, il est vrai que nous ne savons pas! Et en même temps, pour ceux qui ont acquis des convictions spirituelles, nous savons!

Ce que savent les chrétiens, c'est que "l'amour selon Jésus" change leur vie, change la vie. Et ils vivent cet amour dans une relation spirituelle avec l'au-delà, dont ils expérimentent la réalité.

 

Mais les chrétiens se sont fait au long des siècles certaines représentations de la vie après la mort et de l'au-delà en général: ces représentations, cette théologie qui essaie de parler de Dieu, ne valent pas grand chose si on les prend à la lettre; le chrétien n'est pas différent des autres hommes, et est dans la position de la fourmi que j'évoquais plus haut.

Jésus n'a pas prétendu nous faire comprendre ce qui nous est incompréhensible compte tenu de notre nature humaine; il nous a montré comment vivre, et c'est beaucoup!

 

Tenir les deux bouts, c'est parler avec le langage religieux, parce qu'il est utile et que nous n'en avons pas d'autre; mais en même temps "ne pas en être dupe", c'est à dire garder la capacité de penser, avec tous les hommes, la complexité du monde.

Il y a un certain nombre de siècles on pouvait penser l'univers comme composé de "la terre" et du "ciel" (là où est Dieu, et où nous serons après la mort). Cette simplification paraît plus difficile pour un homme du XXI° siècle, qui a conscience de la complexité de l'univers.

 

"Dieu" est aussi réel et présent que ces éventuelles "dimensions" évoquées ci-dessus et que nous ne percevons pas compte tenu de nos limites.

Mais "Dieu", lui, nous le percevons un peu.

 

9  

L'au-delà, présent à chaque instant.

 

Il y a des chrétiens qui semblent ne pas croire aux miracles; des prêtres même qui écrivent des livres où ils expliquent que les miracles du Christ n'en étaient pas...

Je sais bien que c'est à l'amour, et non à la foi dans les miracles, que l'on reconnaît les disciples du Christ (et beaucoup de non-croyants montrent de l'amour!).

 

Mais ne pas croire à la possibilité de miracles, cela me semble revenir à nier la présence de Dieu dans le monde; cela revient aussi à dire que l'on n'a jamais ressenti, dans sa vie spirituelle personnelle, des signes - certes très ténus - de cette présence.

 

Dieu paraît, c'est vrai, absent du monde. Pourtant Israël a mis sa foi dans l'alliance avec le Seigneur; et Jésus a été présence de Dieu dans le monde.

Il nous a dit aussi: "Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde"; et il nous a envoyé son esprit, avec des signes qui devraient convaincre ceux qui n'ont pas endurci leur coeur.

 

Sans doute ceux qui ne croient pas à la possibilité de l'action de Dieu dans le monde ne croient-ils pas non plus, par exemple, que Marthe Robin vivait sans se nourrir, comme d'autres d'ailleurs avant elle; ou encore que les stigmates de Padre Pio étaient réels, et ont disparu brusquement à sa mort...

 

Vivre dans la foi, c'est vivre "comme si on voyait l'invisible" (Jacques Loew). C'est s'appuyer de plus en plus sur cet invisible, sur cette source d'amour qui provient d'une autre "dimension". C'est en venir à considérer que cette présence de Dieu a autant de réalité que celle du monde que nous voyons autour de nous: que le Seigneur est en quelque sorte "encore plus présent" que toute personne que nous voyons près de nous.

Pourquoi cette présence est si discrète, c'est une autre question, et cela peut être assurément une source de scandale pour certains, face au problème du mal.

 

Il y a de même des chrétiens qui ne croient pas aux anges... Pourtant bien des témoignages existent en sens contraire. Mais on ne peut croire que ce qu'on est prêt à accepter. La présence de Dieu auprès de nous, ce sont peut-être justement les anges, poussés par l'Esprit (on le sait, l'ancien testament différencie assez peu entre "le Seigneur" et "l'ange du Seigneur").

 

Alors, "l'au-delà" est-il loin ou près de nous? L'appellation "au-delà" fait penser à "au delà de tout", c'est à dire très loin, ce qui est bien regrettable.

 

N'est-il pas au contraire "tout près"?

 

On le sait, Christian Bobin parle de Jésus, et donc de Dieu, en disant "le très bas".

 

Eh bien de même l'au-delà est peut-être en fait le "très près".

 

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